Alors que le pays s’apprête à célébrer
politiquement l’anniversaire du 14-Janvier, il convient de faire le
bilan social et économique de ces 6 années. Années marquées, certes, par
un souffle libertaire mais aussi par un recul dans le domaine de
l’entrepreneuriat, une paupérisation rampante, une flambée des prix, une
surenchère revendicative, un populisme nauséabond, une marée
d’immigration clandestine et une fuite inexorable de nos cerveaux et de
notre intelligence.
L’heure n’est plus aux célébrations
tapageuses et, encore moins, aux discours pompeux vantant les acquis de
la Révolution mais à l’inventaire politique de ce qu’il est advenu de ce
pays. Il est aujourd’hui vidé d’une jeunesse laissée-pour-compte qui le
fuit par la mer en rêvant d’une vie meilleure en Europe et dépeuplé par
une élite qui prend les airs pour échapper à cette diabolisation et
cette stigmatisation de l’intelligence et de la réussite.
A l’immigration clandestine pour des
raisons économiques s’est conjuguée une immigration clandestine pour des
raisons éthiques qui va dessécher la Tunisie de son trésor humain et la
priver de son unique ressource.
Le comble c’est que ce véritable fléau a
lieu dans une indifférence inexplicable et une prise d’otage flagrante
de l’avenir de nos futures générations. Ceci n’émeut ni nos politiques
aguerris ni nos apprentis politiciens plus prompts à s’accrocher à leurs
postes, pour les uns, et se faire une place au soleil dans un ciel gris
et nuageux, pour les autres.
Aux milliers de jeunes désœuvrés qui
prennent la mer au péril de leurs vies pour rejoindre les côtes
italiennes, se sont donc ajoutés ces milliers de jeunes médecins,
ingénieurs, entrepreneurs et hommes d’affaires qui font le choix de
monnayer leurs talents dans des pays qui reconnaissent le génie, qui
sont décomplexés de la réussite et qui reconnaissent le mérite.
Ils sont lassés de cette vendetta
populiste de bas étage, empreinte d’une once de régionalisme qui
diabolise la réussite professionnelle, la richesse et l’esprit
entrepreneurial au pays de la révolution de la dignité.
Quitte à fâcher les irréductibles
nostalgiques de la révolution du 14-Janvier, il convient, 6 années
après, de dire la vérité qui fait mal et qui dérange : La Tunisie a
dilapidé un unique trésor inestimable et l’intronisation d’un
quadragénaire à la primature n’a pas réconcilié la jeunesse avec la
politique car elle s’est limitée au sérail avec des critères de choix
aux antipodes de la compétence et du mérite.
Désormais, nos jeunes ministres sont
choisis en fonction de leur appartenance clanique, de leur région, de
leur ascendance familiale, de la couleur de leurs yeux et de la teinte
de leur peau.
A l’ascenseur social balisé par le
bourguibisme fondé sur la méritocratie qui a vu éclore des bâtisseurs
de la Tunisie moderne et au technocratisme de Ben Ali qui s’est
entouré de compétences pour réaliser un taux de croissance de 6%, s’est
substitué l’ascenseur familial et politique post-révolution qui sacre
uniquement l’allégeance au chef, en dépit de tous les critères de
compétences et d’égalité des chances.
Et si les démarches méritocratique et
technocratique récompensent l’humilité, le travail et l’effort, la
démarche clanique récompense l’arrogance, la médiocrité et
l’incompétence.
Est-il encore permis d’inverser cette
tendance et de redonner espoir à tous nos jeunes ? C’est tout ce que je
souhaite à mon pays. Cependant, témoin averti de la scène politique et
victime de cette vendetta contre les jeunes qui réussissent par la force
du travail et le mérite, je reste sceptique et dubitatif face à tant
d’approximations et surtout d’amateurisme managérial politique.
Par Imed Derouiche
Président directeur général de Petrofac